Il y a dans le geste de créer quelque chose d’extrêmement pur et profondément sauvage, un élan intime, souvent silencieux, qui pousse à faire naître une forme à partir de presque rien, à donner corps à une vibration intérieure, à un ressenti flou, à une idée qui s’impose, à une envie qui revient, même quand on ne sait pas pourquoi, même quand on ne sait pas pour qui.
Et puis, parfois, presque sans le remarquer, cet élan initial se transforme.
Il se contracte.
Il se crispe légèrement.
Parce que l’idée a germé qu’il fallait que cela “donne quelque chose”.
Que ce que l’on crée devait réussir, toucher, convaincre, rapporter, fonctionner, circuler, plaire, rassurer et dans ce glissement presque imperceptible, la création devient un test, une attente, une pression.
On ne crée plus depuis l’espace vivant, mais depuis une strate intérieure qui cherche la preuve.
Preuve de valeur.
Preuve d’utilité.
Preuve d’efficacité.
Et très vite, l’élan créateur se retrouve alourdi par l’idée que ça doit marcher, que ça doit être vu, que ça doit produire un effet mesurable.
Et c’est là que, souvent, la magie se retire.
Pas parce que ce n’est pas “bien” mais parce que ce n’est plus libre.
Créer sans s’attacher au résultat, ce n’est pas se désintéresser de ce que l’on fait, ce n’est pas créer “dans le vide”, ce n’est pas renoncer à voir une œuvre rayonner, c’est, au contraire, retrouver l’espace nu, brut et sacré d’une création qui ne dépend de rien pour exister pleinement.
C’est permettre à l’énergie de la création de circuler à travers vous sans lui imposer un objectif, une destination, une promesse de reconnaissance.
C’est faire de votre création un acte de présence, pas un instrument de contrôle.
C’est croire que le fruit de ce que vous déposez aura, d’une façon ou d’une autre, une portée, même si vous ne la voyez pas, même si vous ne la maîtrisez pas, même si elle vous échappe.
Vous avez le droit de créer juste pour créer.
De faire quelque chose de beau sans chercher à ce qu’on le valide.
De partager quelque chose de vrai sans attendre de retour immédiat.
De laisser naître quelque chose sans savoir exactement où cela vous mènera.
Et si vous vous autorisez cela, créer sans vous accrocher au résultat, vous découvrirez que ce qui vient de vous est plus vivant, plus fluide, plus juste, plus léger… et paradoxalement, souvent plus puissant, parce que l’univers répond toujours plus vite à ce qui n’est pas conditionné.
Alors, si quelque chose vous traverse, si une idée revient, si un texte vous cherche, si un soin veut passer, si un geste a envie de naître…laissez-le sortir.
Sans l’obliger à “réussir”.
Offrez-lui la liberté d’exister.
Et offrez-vous, à travers lui, la liberté d’être.
Peggy